vieilles portes de grange

Voilà de bien tristes vers pour commencer une histoire. Pourtant "les moulins morts" du poète beauceron ne sont qu'endormis et n'attendent que le réveil du meunier pour s'animer à nouveau :

Holà déjà l'aube éclaircit
Le moulin... et mon coeur aussi !
Holà ! Holà ! meunier qui dort,
Ressuscite les moulins morts !...

pierres meulières

Mais tel ne sera pas le cas du moulin de Dommarville dont le dernier meunier s'est éteint en 1903. Privé de son protecteur, il effectue alors certainement ses derniers tours d'ailes, avant d'être démoli quelques années plus tard, en 1906. Comme beaucoup d'autres il n'a pas résisté à l'hécatombe du siècle dernier. Broyé par les cylindres des minoteries et la persistance d'anciennes taxes, il ne tiendra pas face à la rudesse et au pragmatisme du pays beauceron. Pour les moulins, la plaine de beauce n'a alors rien à envier à la "morne plaine" de Waterloo. Elle est le vaste cimetière où les géants de bois s'écroulent à tour d'ailes. Le moulin Sainte-Marie, autre moulin de la commune, connaitra le même sort quelques décennies plus tard, en 1935. Seul le moulin du Paradis, dernier moulin de Sancheville, qui moud son grain jusqu'en 1946, sortira vainqueur de ce funeste siècle.

le dernier moulin de Dommarville

Malheureusement cette disparition fut aussi totale que définitive. En effet, là où subsitent parfois de vieilles meules, quelques pierres des fondations qui supportaient les soles du moulin, ou même un simple emplacement, il ne reste que quelques carreaux de pierre meulière du moulin pivot qui demeurait à Dommarville. Il semble que le vent et les hommes, ses alliés d'autrefois, se soient ingéniés à faire disparaître jusqu'à la dernière trace de sa silhouette au cours du siècle dernier. Cela serait sans compter l'écriture, seule garante des manquements de la mémoire et des gestes. Après un siècle passé sans le puissant et fragile tournoiement de ses ailes, il est temps de restituer un peu de la présence de ce moulin à son lieu-dit éponyme et de ressusciter les moulins morts !...